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jeudi 30 octobre 2014

Boucler la boucle quatre à quatre



Un court texte du vaillant petit libraire, commande du Tenancier pour la publication ultra-restreinte (sept exemplaires !) d'un bulletin à parution aléatoire intitulé Jockey-Club de l'Apocalypse.
Seule contrainte : 1500 signes maximum.
Dérogation ici dès le premier (et pour l'instant unique) numéro, achevé d'imprimé en décembre 2013, puisque ce récit en compte le double.

En route en août vers le sud, harassé par les cahots de ma deuche et sans un liard en poche, je cherchais ce soir-là un hébergement, le temps d’une halte réparatrice.

Une amie m’avait fourni les coordonnées d’une certaine Ingrid, qui habitait une maisonnette au sud de Pertuis. Vite, d’une cabine téléphonique, j’ai appelé cette inconnue avant que le soir ne tombe ; elle a accepté de m’accueillir pour la nuit et m’a indiqué le chemin à suivre.
Peu avant d’arriver chez elle, j’ai remarqué une curiosité sur la route : un rond-point au centre duquel se dressait, non point une néo-sculpture immonde ou n’importe quoi comme on en voit partout, mais une petite maison traditionnelle, entièrement ceinte d’arbres protecteurs, et une légère fumée sortait du conduit de cheminée.

Comment diable quel taré avait pu avoir l’idée tordue de s’installer là ?

Ingrid avait préparé un délicieux repas. Nous dînions dehors sous un cerisier, et à un moment je lui ai demandé si elle connaissait la raison de cette aberration du rond-point. Son regard s’est fait songeur…

« Il s’appelle Roger. Je le connais bien parce qu’il me prenait souvent en stop, quand j’allais bosser à Pertuis, voici deux ans. À l’époque, le rond-point n’existait pas : sa maison se trouvait juste au croisement de deux petites routes. Et puis à force de me prendre en stop… go !, il m’a prise tout court… à moi ça m’a bien plu mais pas du tout à sa femme, qui s’est trissée fissa avec leurs deux gamins.

Moi, pour Roger, je n’étais qu’une passade : c’était sa femme qu’il aimait, mais elle n’a plus jamais voulu rien savoir de lui. Il s’est mis à déprimer sec, et à boire encore plus sec, au point qu’il s’est bientôt fait virer de son boulot.

Ça faisait déjà un moment qu’on avait cessé de fricoter (depuis le départ de sa femme, en fait, et puis entre-temps j’avais récupéré une bagnole) mais on se voyait tout de même de temps à autre : je m’arrêtais parfois lui faire un petit bonjour.

Et j’y étais, ce matin-là, quand les gars de la DDE sont venus sonner et lui ont expliqué que la modification du tracé routier allait amener sa maison pile-poil au centre du rond-point nouvellement décidé : à lui de choisir s’il voulait demeurer là ou bien déménager contre dédommagement… Son litron de Ricard, j’en avais bu un petit verre mais la bouteille était déjà vide à 11h30.

Après leur départ, il s’en est fallu de peu qu’il ne s’effondre en larmes — et c’est la toute dernière fois qu’on s’est embrassés.
Au final, Roger a décidé de rester. La DDE resserrait le rond-point autour de sa maison et lui-même s’arsouillait de plus en plus. Il a planté quelques arbres tout autour de sa baraque, tout de même : à peine s’il peut sortir sa voiture du garage !

Et puis lundi dernier, j’ai appris qu’il était gagné par un cancer généralisé… »

Le lendemain, je suis repassé devant (ou plutôt, autour) de la maison où Roger se mourait, et je me suis dit que tandis que je me baladais tranquille en deux-chevaux, lui il avait été terrassé par quatre fléaux…

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